22 min read • Automotive, Sustainability
Accelerer la renovation energetique des batiments
La filière du bâtiment et de la construction doit trouver les moyens d’accélérer la rénovation énergétique
INTRODUCTION
AMBITION
Le secteur du bâtiment est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Face à ce constat, la Commission européenne plaide activement pour une « vague de rénovations » en Europe, en vue d’améliorer la performance énergétique de 35 millions de bâtiments (dont 26,5 millions dans le résidentiel) d’ici à 2030. L’enjeu est colossal, avec des investissements qui pourraient atteindre jusqu’à 300 milliards d’euros en France.
DEFIS
Toutefois, le développement de ce marché français se heurte à plusieurs défis : diversité des solutions techniques, accompagnement des maîtres d’ouvrage, manque de main-d’œuvre, cloisonnement des acteurs et financement des travaux dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêts élevés.
OPPORTUNITES
Pour y faire face, les approches actuelles ne sont plus suffisantes, et il est impératif de développer un plan d’ensemble qui actionne plusieurs leviers dans une logique offensive de création de valeur, avec des financements privés innovants en sus des subventions déjà accordées.
Cet article remet en perspective les enjeux, souligne les défis à relever et propose 10 pistes concrètes autour de la formation, de la logique d’écosystème, de l’adaptation des offres, de l’innovation dans le financement et de l’accompagnement des particuliers dans leurs choix.
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L’ambition européenne de la rénovation énergétique
Le Pacte vert européen, conjointement avec le Plan de relance de la Commission européenne, impulse une dynamique de rénovation des bâtiments dans toute l’Europe. Au premier plan de cette stratégie se trouve la « vague de rénovations pour l’Europe », une approche globale conçue par la Commission européenne afin de répondre à l’impératif de neutralité carbone des bâtiments, tout en créant des emplois en Europe et en améliorant les conditions de vie des citoyens et résidents européens. Deux temporalités structurent l’action au niveau européen : la réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, puis la neutralité carbone en 2050.
La rénovation énergétique des bâtiments est l’un des leviers pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES fixés par la Commission européenne. Sur les 220 millions d’unités de bâtiment que compte aujourd’hui le parc immobilier européen, 35 millions (26 millions pour le résidentiel[1]) devraient, d’ici 2030, faire l’objet de travaux de rénovation. Dans cette perspective, des efforts importants doivent être engagés afin de doubler le taux de rénovation des bâtiments. Celui-ci devrait être d’au moins 3 % par année (Graph. 1), contre 1-1,5% en moyenne aujourd’hui. En outre, la Commission européenne estime que les rénovations en profondeur, qui améliorent d’au moins 60 % la performance énergétique des bâtiments, ne sont réalisées chaque année que sur 0,2 % du parc immobilier.[2] La marge de progression est donc très importante sur cet axe également.
L’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 nécessiterait la rénovation de 60 à 80 % du parc de bâtiments résidentiels entre 2030 et 2050.
L’initiative « vague de rénovations » s’accompagne également d’une volonté de renforcer la durabilité des bâtiments via l’utilisation de matériaux recyclés et biosourcés, mais aussi de réduire les émissions de CO2 lors des phases de construction puis de gestion des bâtiments. En outre, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, la filière a dû s’adapter. Elle a aujourd’hui recours à des processus avancés d’automatisation, à des matériaux plus légers et à des technologies numériques. La trajectoire européenne et les tendances à l’œuvre sur le marché de la rénovation représentent une formidable opportunité de développement, et un relais de croissance pour l’ensemble des acteurs de l’industrie du bâtiment et de la construction.
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Mise en œuvre au niveau national
LA STRATEGIE FRANÇAISE DE RENOVATION ENERGETIQUE
La déclinaison française de la stratégie européenne en faveur de la rénovation des bâtiments a des objectifs identiques. Selon le Ministère de la Transition écologique, la rénovation énergétique des bâtiments[3] doit répondre à trois objectifs (Graph. 2).
Concernant l’objectif 1 (lutte contre le changement climatique) qui suppose de réduire les émissions de GES, l’Etat a fixé une ambition et un calendrier. La France s’engage ainsi à réduire de 55 % ses émissions de GES par rapport au niveau de 1990, d’ici à 2030. A l’horizon 2050, le Code de l’énergie pointe comme objectif la nécessité de disposer d’un parc bâti labellisé BBC[4] (pour bâtiments basse consommation) ou assimilé,[5] pour coller à l’objectif de neutralité carbone. La France doit aussi faire preuve de sobriété énergétique, en divisant par deux sa consommation d’énergie d’ici 2050.
Pour ce faire, la rénovation énergétique des bâtiments est un levier indispensable compte tenu de l’importance du parc (36 millions de logements en France métropolitaine), mais également au regard de sa contribution non négligeable aux émissions de GES et à la consommation énergétique de la France. En France, le secteur du bâtiment est le second poste[6] d’émissions de GES, atteignant près de 27 % des émissions.[7] Par ailleurs, il représente 45 % de la consommation énergétique française, principalement sous forme de chauffage.[8]
Sur les 36 millions de logements recensés en France métropolitaine, 29,5 millions sont des résidences principales, 3,5 millions des résidences secondaires ou occasionnelles et 3 millions des logements vacants.
Les résidences principales se répartissent de la manière suivante : 16,5 millions de maisons et 13 millions de logements collectifs. Sur les 29,5 millions de résidences principales, 5,2 millions sont des « passoires thermiques ». Le potentiel de développement du marché de la rénovation énergétique est donc très important.
DES POLITIQUES PUBLIQUES POUR BOOSTER LA RENOVATION ENERGETIQUE
Le pilotage de la politique de rénovation énergétique fait intervenir l’Etat, les collectivités locales ainsi que les structures de coordination et d’accompagnement comme l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou France Rénov’. Pour atteindre les trois objectifs susmentionnés, la rénovation énergétique des bâtiments s’appuie sur un arsenal législatif et réglementaire (hiérarchie des normes), des dispositifs de labellisation ainsi que sur des dispositifs de soutien et de financement renforcés notamment dans le cadre du Plan de relance (MaPrimeRénov’).
Les principaux dispositifs législatifs
La Loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a conduit à inscrire dans le Code de l’énergie l’objectif de disposer d’un parc bâti rénové au niveau BBC rénovation ou équivalent d’ici 2050.[9] Les bâtiments ainsi rénovés sont des bâtiments classés A ou B selon la classification du diagnostic de performance énergétique (DPE) (cf. infra).
La Loi Climat et résilience du 24 août 2021 est issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Elle vise une accélération de la transition écologique en ciblant plusieurs champs de la vie quotidienne : les modes de consommation, de production, de déplacement et d’hébergement. En ce qui concerne le secteur du bâtiment plus spécifiquement, cette loi agit sur le développement global du marché de la rénovation énergétique à travers des évolutions notables comme :
- Le gel du loyer des habitats mal isolés ou « passoires thermiques ». Depuis 2023,[10] l’augmentation des loyers pour ces biens est ainsi conditionnée à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
- L’interdiction de la mise en location des passoires thermiques en fonction de la classification DPE des biens. Ainsi, la location de logements classés G sera interdite dès 2025. L’interdiction sera ensuite étendue aux logements classés F à partir de 2028 puis aux logements classés E à partir de 2034. Le locataire peut ainsi exiger de son propriétaire la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
- L’obligation de réaliser un DPE pour tous les bâtiments d’habitation collective, à l’échelle du bâtiment, selon le calendrier suivant :[11]
- « le 1er janvier 2024 pour les immeubles en monopropriété et pour les copropriétés de plus de 200 lots
- le 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots
- le 1er janvier 2026 pour les copropriétés d’au maximum 50 lots »
Les dispositifs de labellisation
Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). C’est un document de référence créé en 2006 afin d’évaluer la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il est présenté sous la forme d’étiquettes énergie avec une classification allant de A à G. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique européenne.[12] La France compte ainsi 5,2 millions (15.7%) de « passoires énergétiques » (étiquettes F et G), comme indiqué dans le Graphique 3.
La qualification RGE (Reconnu garant de l’environnement). La condition pour accéder aux aides proposées par les acteurs publics, comme le dispositif MaPrimeRénov’, est de faire appel, pour ses travaux de rénovation énergétique, à un professionnel disposant de la qualification RGE.
Les dispositifs d’aide et de financement
L’Etat compte mobiliser 7 milliards d’euros d’ici 2030 pour accompagner la transition énergétique de la France. Initialement fixé à 2 milliards d’euros, ce budget a été revu à la hausse par le gouvernement en juillet 2023. L’objectif est de tenir les objectifs affichés pour 2030 en doublant le rythme de réduction des GES.
Ouvert depuis le 1 janvier 2020, MaPrimeRénov’ est aujourd’hui le principal dispositif porté par l’Etat concernant la rénovation énergétique. Il s’adresse à tous les propriétaires occupants de résidences principales et contribue au financement de travaux portant sur le chauffage et l’eau chaude, l’isolation thermique et la ventilation.[13] MaPrimeRénov’ tient compte des revenus et de la composition des ménages. 68 % des personnes concernées par ce dispositif sont des personnes modestes ou très modestes, 30 % perçoivent des revenus intermédiaires et 2 % des revenus supérieurs.[14] Par ailleurs, l’aide MaPrimeRénov’ peut se cumuler avec d’autres aides délivrées par les collectivités locales, Action logement, ou encore avec les aides versées dans le cadre des Certificats d’économies d’énergie (CEE). En 2024, le budget alloué à MaPrimeRénov’ devrait augmenter de 600 millions d'euros pour atteindre 4 milliards d’euros — soit une hausse de 18 % — contre une enveloppe initiale de 5 milliards d’euros revue à la baisse pour réaliser des économies budgétaires.
En outre, il existe MaPrimeRénov’ copropriétés pour les syndicats de copropriétés. Elle vise à financer des travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre au moins 35 % de gain énergétique.[15] Depuis le 1er janvier 2024, le dispositif MaPrimeAdapt’, quant à lui, est destiné aux personnes âgées et celles en situation de handicap réalisant des travaux d’adaptation du logement.[16]
En 2023, le gouvernement a renforcé le budget prévu dans le cadre de ces dispositifs en rehaussant les plafonds de travaux, quel que soit le dispositif d’aide (MaPrimeRévov’ copropriétés, MaPrimeRénov’ Sérénité,[17] forfaits de rénovation globale). Par ailleurs, des mesures additionnelles, visant à structurer le dispositif autour de deux piliers (performance et efficacité), ont été annoncées dans le cadre du Conseil national de la refondation Logement. Concrètement, il s’agit d’orienter davantage les aides vers les travaux de rénovation globale plutôt que vers les rénovations partielles.
D’autres dispositifs de financement existent, parmi lesquels l’éco-prêt à taux zéro, l’éco-prêt logement social, les CEE, ou encore le chèque énergie lancé en 2018 (5,7 millions de bénéficiaires en 2021[18]).
Les différentes politiques menées au niveau national ont entraîné des effets favorables sur la rénovation énergétique.
En tout, 644 000 demandes d’aide ont été accordées par l’Anah en 2021, contre 141 000 en 2020, un saut qui s’explique par le lancement en 2020 du dispositif MaPrimRénov’. Depuis 2020, ce sont 2 149 833 logements qui ont fait l’objet d’une rénovation, dont 247 680 rénovations globales, pour un montant total d’aides de 9,8 milliards d’euros.[19]
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DES DEFIS ENCORE NOMBREUX A RELEVER
Aujourd’hui, le marché français de la rénovation énergétique des bâtiments ne semble pas en capacité de respecter les objectifs intermédiaires, et encore moins de réaliser l’ambition de neutralité carbone à l’horizon 2050, tant sur un plan quantitatif (nombre de rénovations réalisées) que qualitatif (nature des travaux réalisés).
Sur le plan quantitatif, le taux annuel de rénovation en France est estimé à 1%,[20] ce qui est inférieur au taux de 3 % nécessaire pour atteindre les objectifs fixés au niveau européen à l’horizon 2030. Le nombre de rénovations énergétiques doit être considérablement augmenté.
Sur le plan qualitatif, la nature des prestations de rénovation énergétique effectuées doit être particulièrement scrutée. S’il est vrai que le dispositif MaPrimeRénov’ a permis d’accroître la demande de travaux d’économie d’énergie, cette demande supplémentaire est essentiellement orientée vers les rénovations partielles. Comme le souligne le Conseil d’analyse économique,[21] l’essentiel des 644 000 demandes ayant bénéficié du dispositif MaPrimeRénov’ en 2021 a porté sur les rénovations monogestes ou partielles. Idem en 2022. En 2023, si le nombre de logements aidés par l'ANAH pour les travaux de rénovation énergétique a baissé (569 243 contre 669 890 en 2022), le nombre de rénovations d’ampleur a progressé quant à lui de plus de 8% (71 613 contre 65 939 en 2022).[22]
L’Ademe, quant à elle, rappelle qu’en 2022, seules 4 000 à 6 000 maisons individuelles (hors parc social) ont fait l’objet d’une rénovation globale performante ou équivalente et probablement 35 000 logements collectifs.[23]
Pour atteindre les objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés aux horizons 2030 et 2050, plusieurs défis doivent être relevés :
- La diversité des technologies utilisées dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments, souvent considérée comme un facteur de complexité.
- L’accompagnement des maîtres d’ouvrage (en prenant exemple sur les initiatives récentes comme MonAccompagnateurRénov’), qui doit faire l’objet d’un suivi resserré.
- Le manque de main-d’œuvre en nombre et en qualité, qui limite les progrès en matière de techniques de rénovation autant que la capacité à satisfaire la demande.
- L’organisation cloisonnée de l’industrie de la construction et les chaînes de valeurs fragmentées, qui ne permettent pas toujours de proposer une offre de rénovation globale et performante.
- Le financement des travaux de rénovation énergétique, difficile dans un contexte d’inflation et de taux d'intérêts élevés.
DIVERSITÉ TECHNOLOGIQUE DANS LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
Accélérer la rénovation énergétique implique de comprendre les différentes solutions technologiques. Or, l’étendue des solutions mobilisées dans le cadre des travaux est source de complexité tant pour les acteurs du secteur (connaissance, maîtrise, coordination) que pour les particuliers.
Aujourd’hui, les 5 segments du marché de la rénovation énergétique se structurent en deux pôles : les technologies ayant recours à une énergie plus verte, et celles permettant une moindre consommation d’énergie.
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Les technologies permettant de réduire la déperdition d’énergie (murs, toits, sols, huisserie, ventilation)
Aujourd’hui, on estime que dans une maison mal isolée, 30% de la déperdition énergétique provient des murs, 25% du toit, 15% des fissures, 10 % du plancher et 5 % des portes. Plusieurs technologies permettent de réduire la déperdition d’énergie :
- Les technologies d’isolation des murs, du toit et du plancher. Elles font appel à différents matériaux (polystyrène extrudé, polystyrène expansé, polyuréthane, laine minérale) ou procédés (isolation naturelle à l’aide de fibres de bois ou de chanvre). La laine minérale est aujourd’hui largement utilisée.
- Les technologies relatives à l’huisserie (les encadrements de portes ou de fenêtres). Elles sont davantage matures. Les principaux matériaux utilisés sont le bois, l’aluminium ou encore le polychlorure de vinyle non plastifié. Ces deux derniers matériaux constituent aujourd’hui la majorité des solutions retenues en cas de travaux de rénovation.
- Les technologies de ventilation. Elles regroupent la ventilation naturelle, les ventilations mécaniques contrôlées (VMC) simple flux ou double flux, la ventilation mécanique répartie (VMR) ou encore la ventilation par insufflation (VI).[24]
Pour atteindre une efficacité optimale, ces technologies doivent être accompagnées de travaux d’isolation (limitation des infiltrations et des fuites d’air).
- Les technologies ayant recours à une énergie plus verte (chauffage, gestion de l’énergie)
- Les systèmes de chauffage. Remplacer les chaudières fossiles (fioul ou gaz) par des solutions utilisant la biomasse, le solaire, la géothermie ou encore les énergies de récupération via les pompes à chaleur.
- Les technologies de gestion d’énergie. Elles incluent les batteries autant que les logiciels et plateformes de gestion en temps réel de la consommation. L’intégration de batteries domestiques (souvent connectées à des panneaux solaires) permet de stocker et d’utiliser l’énergie de la manière la plus efficace possible.
L’ACCOMPAGNEMENT DES MAITRES D’OUVRAGE
En 2023, le gouvernement a mis en place le dispositif MonAccompagnateurRénov’. Il s’agit d’un dispositif d’accompagnement destiné à tout ceux qui envisagent de faire des travaux de rénovation énergétique performante ou globale. Dans les faits, il s’agit d’un assistant à la maîtrise d’ouvrage ou d’un opérateur agréé par l’Etat ou désigné par une collectivité locale. Il a pour rôle d’épauler les particuliers dans la définition de leurs travaux, la sélection des entreprises, leurs démarches administratives et la mobilisation des financements.[25] Ce dispositif va dans le bon sens, mais l’enjeu principal aujourd’hui, pour atteindre l’objectif de 500 000 à 700 000 logements rénovés par an, est d’augmenter les effectifs des accompagnateurs pour être en adéquation avec les besoins.
En juin 2023, le gouvernement a ainsi affirmé vouloir augmenter le budget dédié à ce dispositif, avec une revalorisation de l’aide accordée dans le cadre du recours à ce dispositif de 1 200 € à 2 000 €, lors de la préparation du dossier de financement. Ansi, le financement accordé par l'ANAH pour cette prestation peut aujourd'hui atteindre 100% du coût de la prestation ou 2 000€ pour les ménages modestes.
LE MANQUE DE MAIN-D’ŒUVRE EN NOMBRE ET EN QUALITE
Une main-d’œuvre qualifiée est nécessaire sur l’ensemble du parcours de rénovation, de l’installation des technologies d’isolation, de chauffage, de ventilation, au suivi de la gestion énergétique jusqu’à l’entretien des installations. Une pénurie de travailleurs qualifiés entraîne des retards et des coûts supplémentaires dans la conduite des travaux. Selon France Stratégie, un organisme de réflexion placé sous la tutelle du Premier ministre et qui participe à l’évaluation des politiques publiques, la rénovation énergétique des bâtiments pourrait nécessiter la création de 170 000 à 250 000 emplois supplémentaires d’ici à 2030.
Le manque de main-d’œuvre qualifiée se situe à deux niveaux : dans le vivier d’artisans, salariés potentiels pour toute la filière, ainsi qu’au moment de l’agrément lorsqu’il s’agit de bénéficier des labels comme le label RGE.
En effet, le nombre d’entreprises ayant la mention RGE a diminué entre 2022 et 2023 passant de 65 095 à 61 494 selon l’Ademe, marquant une deuxième année consécutive de baisse. Cette baisse, qui pose problème compte tenu de l’importance du label pour accéder aux aides de l’Etat, serait la conséquence de la complexité administrative du dispositif.
Le nombre d’entreprises RGE est à mettre en rapport avec le nombre d’entreprises artisanales du bâtiment, évalué par le Président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) à 560 000.[26] Ainsi, seules 11,25 % des entreprises du bâtiment portent la mention RGE. Par ailleurs, avec un peu plus de 60 000 entreprises portant la mention RGE aujourd’hui, on est loin des ambitions affichées par le Ministre de l’économie de « 250 000 entreprises RGE en 2028 ».[27] Il s’agirait de simplifier les démarches permettant aux entreprises d’accéder à cette certification au risque d’en conduire certaines à quitter le marché de la rénovation.
ORGANISATION EN SILOS DE L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION, CHAÎNES DE VALEUR FRAGMENTÉES
L’industrie de la construction est souvent caractérisée par des organisations cloisonnées et des chaînes d’approvisionnement fragmentées, ce qui peut entraîner des problèmes de coordination et ralentir l’adoption de solutions intégrées d’économies d’énergie. Les travaux de rénovation énergétique impliquent souvent de multiples intervenants : des entrepreneurs, des architectes, des bureaux d’études, des fournisseurs, des propriétaires d’immeubles, etc. Le manque de communication et de coordination entre ces parties limite leur capacité à atteindre la qualité visée (BBC rénovation ou équivalente, par exemple).
En outre, 98 % des entreprises du bâtiment sont des entreprises de moins de 20 salariés. Si cette petite taille garantit un certain maillage territorial, ce qui est positif, elle obère en revanche la capacité de ces entreprises à se projeter dans la réalisation de travaux de rénovation globale et performante. La taille des entreprises limite la nature des prestations qu’elles proposent, qui sont dès lors essentiellement de type rénovations par gestes.[28]
LE FINANCEMENT DES TRAVAUX DE RENOVATION ENERGETIQUE
Les questions de financement constituent un obstacle à l’adoption généralisée de technologies d’économie d’énergie dans le cadre des rénovations de bâtiments. Les taux d’intérêt élevés sur les prêts, les subventions insuffisantes et les prix élevés des matériaux de construction peuvent augmenter les budgets de rénovation, ce qui contraint les possibilités d’investissement dans des solutions avancées en matière de rénovation énergétique. Le coût des travaux de rénovation globale ou performante est estimé entre 25 000 € et 60 000 € par logement. Considérant que 5 millions de logements doivent faire l’objet de ce type de travaux, la « facture globale » se situe alors entre 125 et 300 milliards d’euros,[29] montant à rapporter aux crédits annuels actuellement alloués.
Du côté de la construction, l’augmentation exponentielle des coûts de l’énergie a entraîné une hausse des coûts des matériaux, rendant la rénovation des bâtiments beaucoup plus onéreuse qu’avant la crise, et érodant les marges des acteurs du secteur.
Soulignons ici que le secteur bancaire ou des assurances ou celui de la fourniture d’énergie peut jouer un rôle essentiel dans le financement des travaux de rénovation énergétique. Le financement des travaux de rénovation énergétique pourrait être en effet exploité en tant que produit d’appel. Au regard de la problématique spécifique du financement des copropriétés, le gouvernement envisage de modifier le taux plafond auquel les banques peuvent prêter aux copropriétés, notamment grâce à l’application dérogatoire du taux d’usure retenu lorsqu’un particulier contracte un crédit à la consommation (+ de 6 %).
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SAISIR LES OPPORTUNITES DE MARCHE
La rénovation énergétique constitue un relai de croissance pour les acteurs du secteur du bâtiment. Pour y parvenir, il est nécessaire que le secteur bénéficie d’un soutien exogène notamment en ce qui concerne les mécanismes de financement des travaux et d’accompagnement des futurs bénéficiaires. Mais par-dessus tout, les acteurs du secteur ont besoin de mettre en place un plan holistique et d’actionner plusieurs leviers dans une logique concertée. Le recrutement d’une main-d’œuvre nombreuse et formée, le déploiement d’une logique d’écosystème et le recours à des technologies innovantes constituent autant de pistes permettant de saisir les opportunités de marché.
ADAPTER LES OFFRES POUR DAVANTAGE DE REPLICABILITE ET DE LOGIQUE DE SYSTEMES INTEGRES
- L’objectif est de passer d’une approche projet à une approche produit via la mise en place de solutions de rénovation réplicables, et d’investir pour développer des solutions de préfabrication en usine de plus en plus performantes. La normalisation et la modularisation des technologies et des solutions offertes peuvent faciliter l’intégration et l’interopérabilité. Cela peut impliquer le développement d’interfaces, de protocoles et de composants standardisés facilement intégrables dans différents types de bâtiments et configurations.
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Développer des offres de produits et de services intégrés afin de fournir des solutions complètes couvrant de multiples aspects des rénovations de bâtiments. Il peut s’agir de regrouper différentes technologies et solutions en une seule offre qui traite de la performance énergétique globale d’un bâtiment, plutôt que de vendre des composants individuels séparément. Par exemple, le fait de proposer des forfaits comprenant des mises à niveau de fenêtres, des installations de thermopompe et des améliorations d’isolation comme solution de rénovation complète peut encourager les clients à adopter une approche intégrée.
RENFORCER L’ACCOMPAGNEMENT DANS LE CADRE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION
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Renforcer l’enveloppe consacrée au dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ afin d’assurer un recrutement important de personnel qualifié, et faciliter les conditions d’agrément des sociétés amenés à accompagner les particuliers sur les projets de rénovation globale ou performante.
REPONDRE AUX ENJEUX DE MAIN-D’ŒUVRE
- Renforcer l’attractivité des métiers liés à la rénovation des bâtiments et à la réhabilitation globale auprès des jeunes femmes et hommes en mettant l’accent sur les certifications professionnelles, en finançant davantage la formation initiale et en intensifiant le dialogue social au niveau des branches professionnelles pour améliorer les rémunérations et les conditions de travail.[30]
- Simplifier le dispositif RGE afin de disposer d’un nombre d’entreprises et d’artisans suffisant pour faire face à la demande de travaux de rénovation énergétique.
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Généraliser le RGE chantier par chantier, expérimenté jusqu’à la fin de l’année 2023 dans le cadre du Plan France relance, et qui permet à une entreprise ou artisan ayant au moins deux ans d’activité, mais qui ne détient pas la mention RGE, d’effectuer des travaux de rénovation énergétique moyennant des contrôles sur site des travaux.
POUSSER LES LOGIQUES D’ECOSYSTEME
- Renforcer la collaboration entre les différentes fonctions à l’échelle de l’entreprise afin de faciliter la coordination et l’intégration des différentes technologies et solutions. Une communication régulière, une planification conjointe et des objectifs communs peuvent aider à aborder les rénovations de manière holistique plutôt que fragmentée.
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Favoriser la structuration de la filière professionnelle pour la rénovation performante des maisons et petits bâtiments collectifs en développant la coopération entre les entreprises, la mise en place de groupements d’entreprises et en améliorant la mise en réseau. La création de partenariats à long terme avec d’autres entreprises ou organisations offrant des technologies et des solutions complémentaires peut permettre une approche plus intégrée de la rénovation des bâtiments. Par exemple, en formant des alliances stratégiques ou des collaborations avec d’autres entreprises spécialisées (e.g fenêtres, les pompes à chaleur, gestion de l’énergie) pour offrir collectivement des solutions de rénovation complètes. Ces partenariats peuvent fournir une proposition de valeur unifiée aux clients, et promouvoir une approche coordonnée des rénovations pour réaliser une prestation globale.
PROPOSER DES MODALITES DE FINANCEMENT INNOVANTES
- Simplifier et stabiliser les dispositifs d’aides sur la rénovation énergétique des bâtiments afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques (entreprises et particuliers)[31] à l’aide d’une loi de programmation pluriannuelle, et flécher ces dispositifs vers les travaux de rénovation énergétique globale ou performante.[32]
- Inciter les institutions financières ou les sociétés de fournitures d’énergie à développer des offres de financement du reste à charge dans le cadre des travaux de rénovation avec des dispositifs comme le « prêt Avance rénovation » qui permet d’emprunter pour réaliser les travaux et de ne rembourser le capital et les intérêts qu’au moment de la mutation du logement, en supprimant les plafonds prévus, par exemple.[33]
Conclusion
LE MARCHÉ DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE OFFRE DES OPPORTUNITÉS QU’IL FAUT SAISIR DÈS MAINTENANT !
Avec plus de 35 millions de bâtiments à rénover d’ici 2030, le marché européen de la rénovation est déjà important et devrait continuer à s’étendre après 2030 en raison de la vague de rénovation européenne. L’ambition européenne se décline également au niveau national, avec des objectifs précis de limitation du nombre de passoires thermiques. S’il est vrai que les acteurs publics ont œuvré, tant sur le plan réglementaire qu’à travers les dispositifs d’aides, des défis importants restent encore à relever : le déficit de main-d’œuvre, le manque de structuration industrielle, la faiblesse du financement et la fragilité de l’accompagnement.
Les gisements de croissance existent tant du côté de l’offre que de la demande.
Du côté de l’offre, l’urgence est d’accroître la capacité à répondre à la demande (plus de main-d’œuvre, mieux formée et mieux rémunérée) en proposant des produits et des services s’intégrant dans une approche globale ou performante de la rénovation.
Du côté de la demande, l’urgence réside dans le renforcement des dispositifs de financement qui doivent intégrer davantage les acteurs bancaires, de l'assurance et de la fourniture d'énergie en ciblant notamment les ménages modestes. Le niveau d’accompagnement des particuliers doit être maintenu tout au long du parcours de rénovation. Ceci suppose des évaluations régulières du dispositif « Mon Accompagnateur Rénov’ ». Enfin, le développement du marché de la rénovation énergétique sera facilité par une plus forte stabilité du cadre réglementaire et financier.
Notes
[1] 16,8 millions de maisons individuelles et 9,45 millions de logements collectifs.
[2] « Questions & réponses sur la vague de rénovations » Commission européenne, 14 octobre 2020.
[3] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique, 2 février 2023.
[4] Ce label a été introduit par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.
[5] Code de l’énergie, Article L100-4 paragraphe 7.
[6] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[7] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique, 2 février 2023.
[8] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[9] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[10] La Loi Climat et résilience. Ministère de la transition écologique, 24 août 2021.
[11] « Diagnostic de performance énergétique — DPE » Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 6 décembre 2023.
[12] « Diagnostic de performance énergétique — DPE » Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 6 décembre 2023.
[13] « Comment financer ses travaux de rénovation énergétique » JDD Communication.
[14] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation » Conseil économique, social et environnemental.
[15] « MaPrimeRénov’ Copropriété » France Rénov'.
[16] « MaPrimeAdapt » France Rénov'.
[17] Service-public.fr: « Depuis le 1er janvier 2024, l’aide MaPrimeRénov’ Sérénité est remplacée par MaPrimeRénov’ Parcours accompagné »
[18] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique.
[19] ANAH, 2023.
[20] « Comment financer ses travaux de rénovation énergétique ? » JDD Communication.
[21] « Les Français et les politiques climatiques » CAE, 2022.
[22] ANAH, 2023.
[23] Financer la Rénovation énergétique performante des logements, Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[24] « Rénovation — Bien ventiler son logement » ADEME, mai 2022.
[25] « Qu’est-ce que Mon Accompagnateur Rénov’ ? » République Française, 30 août 2022.
[26] « Rénovation thermique : le casse-tête de la qualification des artisans » Les Echos, 4 février 2023.
[27] « Rénovation thermique : le casse-tête de la qualification des artisans » Les Echos, 4 février 2023.
[28] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[29] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation » Conseil économique, social et environnemental.
[30] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 8 » Conseil économique, social et environnemental.
[31] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 2 » Conseil économique, social et environnemental.
[32] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 12 » Conseil économique, social et environnemental.
[33] Proposition avancé notamment par David Amiel, Député Renaissance, Les Echos : « Rénovation thermique : la majorité veut pousser les banques à financer l’effort ».
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22 min read • Automotive, Sustainability
Accelerer la renovation energetique des batiments
La filière du bâtiment et de la construction doit trouver les moyens d’accélérer la rénovation énergétique
DATE
INTRODUCTION
AMBITION
Le secteur du bâtiment est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Face à ce constat, la Commission européenne plaide activement pour une « vague de rénovations » en Europe, en vue d’améliorer la performance énergétique de 35 millions de bâtiments (dont 26,5 millions dans le résidentiel) d’ici à 2030. L’enjeu est colossal, avec des investissements qui pourraient atteindre jusqu’à 300 milliards d’euros en France.
DEFIS
Toutefois, le développement de ce marché français se heurte à plusieurs défis : diversité des solutions techniques, accompagnement des maîtres d’ouvrage, manque de main-d’œuvre, cloisonnement des acteurs et financement des travaux dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêts élevés.
OPPORTUNITES
Pour y faire face, les approches actuelles ne sont plus suffisantes, et il est impératif de développer un plan d’ensemble qui actionne plusieurs leviers dans une logique offensive de création de valeur, avec des financements privés innovants en sus des subventions déjà accordées.
Cet article remet en perspective les enjeux, souligne les défis à relever et propose 10 pistes concrètes autour de la formation, de la logique d’écosystème, de l’adaptation des offres, de l’innovation dans le financement et de l’accompagnement des particuliers dans leurs choix.
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L’ambition européenne de la rénovation énergétique
Le Pacte vert européen, conjointement avec le Plan de relance de la Commission européenne, impulse une dynamique de rénovation des bâtiments dans toute l’Europe. Au premier plan de cette stratégie se trouve la « vague de rénovations pour l’Europe », une approche globale conçue par la Commission européenne afin de répondre à l’impératif de neutralité carbone des bâtiments, tout en créant des emplois en Europe et en améliorant les conditions de vie des citoyens et résidents européens. Deux temporalités structurent l’action au niveau européen : la réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, puis la neutralité carbone en 2050.
La rénovation énergétique des bâtiments est l’un des leviers pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES fixés par la Commission européenne. Sur les 220 millions d’unités de bâtiment que compte aujourd’hui le parc immobilier européen, 35 millions (26 millions pour le résidentiel[1]) devraient, d’ici 2030, faire l’objet de travaux de rénovation. Dans cette perspective, des efforts importants doivent être engagés afin de doubler le taux de rénovation des bâtiments. Celui-ci devrait être d’au moins 3 % par année (Graph. 1), contre 1-1,5% en moyenne aujourd’hui. En outre, la Commission européenne estime que les rénovations en profondeur, qui améliorent d’au moins 60 % la performance énergétique des bâtiments, ne sont réalisées chaque année que sur 0,2 % du parc immobilier.[2] La marge de progression est donc très importante sur cet axe également.
L’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 nécessiterait la rénovation de 60 à 80 % du parc de bâtiments résidentiels entre 2030 et 2050.
L’initiative « vague de rénovations » s’accompagne également d’une volonté de renforcer la durabilité des bâtiments via l’utilisation de matériaux recyclés et biosourcés, mais aussi de réduire les émissions de CO2 lors des phases de construction puis de gestion des bâtiments. En outre, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, la filière a dû s’adapter. Elle a aujourd’hui recours à des processus avancés d’automatisation, à des matériaux plus légers et à des technologies numériques. La trajectoire européenne et les tendances à l’œuvre sur le marché de la rénovation représentent une formidable opportunité de développement, et un relais de croissance pour l’ensemble des acteurs de l’industrie du bâtiment et de la construction.
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Mise en œuvre au niveau national
LA STRATEGIE FRANÇAISE DE RENOVATION ENERGETIQUE
La déclinaison française de la stratégie européenne en faveur de la rénovation des bâtiments a des objectifs identiques. Selon le Ministère de la Transition écologique, la rénovation énergétique des bâtiments[3] doit répondre à trois objectifs (Graph. 2).
Concernant l’objectif 1 (lutte contre le changement climatique) qui suppose de réduire les émissions de GES, l’Etat a fixé une ambition et un calendrier. La France s’engage ainsi à réduire de 55 % ses émissions de GES par rapport au niveau de 1990, d’ici à 2030. A l’horizon 2050, le Code de l’énergie pointe comme objectif la nécessité de disposer d’un parc bâti labellisé BBC[4] (pour bâtiments basse consommation) ou assimilé,[5] pour coller à l’objectif de neutralité carbone. La France doit aussi faire preuve de sobriété énergétique, en divisant par deux sa consommation d’énergie d’ici 2050.
Pour ce faire, la rénovation énergétique des bâtiments est un levier indispensable compte tenu de l’importance du parc (36 millions de logements en France métropolitaine), mais également au regard de sa contribution non négligeable aux émissions de GES et à la consommation énergétique de la France. En France, le secteur du bâtiment est le second poste[6] d’émissions de GES, atteignant près de 27 % des émissions.[7] Par ailleurs, il représente 45 % de la consommation énergétique française, principalement sous forme de chauffage.[8]
Sur les 36 millions de logements recensés en France métropolitaine, 29,5 millions sont des résidences principales, 3,5 millions des résidences secondaires ou occasionnelles et 3 millions des logements vacants.
Les résidences principales se répartissent de la manière suivante : 16,5 millions de maisons et 13 millions de logements collectifs. Sur les 29,5 millions de résidences principales, 5,2 millions sont des « passoires thermiques ». Le potentiel de développement du marché de la rénovation énergétique est donc très important.
DES POLITIQUES PUBLIQUES POUR BOOSTER LA RENOVATION ENERGETIQUE
Le pilotage de la politique de rénovation énergétique fait intervenir l’Etat, les collectivités locales ainsi que les structures de coordination et d’accompagnement comme l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou France Rénov’. Pour atteindre les trois objectifs susmentionnés, la rénovation énergétique des bâtiments s’appuie sur un arsenal législatif et réglementaire (hiérarchie des normes), des dispositifs de labellisation ainsi que sur des dispositifs de soutien et de financement renforcés notamment dans le cadre du Plan de relance (MaPrimeRénov’).
Les principaux dispositifs législatifs
La Loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a conduit à inscrire dans le Code de l’énergie l’objectif de disposer d’un parc bâti rénové au niveau BBC rénovation ou équivalent d’ici 2050.[9] Les bâtiments ainsi rénovés sont des bâtiments classés A ou B selon la classification du diagnostic de performance énergétique (DPE) (cf. infra).
La Loi Climat et résilience du 24 août 2021 est issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Elle vise une accélération de la transition écologique en ciblant plusieurs champs de la vie quotidienne : les modes de consommation, de production, de déplacement et d’hébergement. En ce qui concerne le secteur du bâtiment plus spécifiquement, cette loi agit sur le développement global du marché de la rénovation énergétique à travers des évolutions notables comme :
- Le gel du loyer des habitats mal isolés ou « passoires thermiques ». Depuis 2023,[10] l’augmentation des loyers pour ces biens est ainsi conditionnée à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
- L’interdiction de la mise en location des passoires thermiques en fonction de la classification DPE des biens. Ainsi, la location de logements classés G sera interdite dès 2025. L’interdiction sera ensuite étendue aux logements classés F à partir de 2028 puis aux logements classés E à partir de 2034. Le locataire peut ainsi exiger de son propriétaire la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
- L’obligation de réaliser un DPE pour tous les bâtiments d’habitation collective, à l’échelle du bâtiment, selon le calendrier suivant :[11]
- « le 1er janvier 2024 pour les immeubles en monopropriété et pour les copropriétés de plus de 200 lots
- le 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots
- le 1er janvier 2026 pour les copropriétés d’au maximum 50 lots »
Les dispositifs de labellisation
Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). C’est un document de référence créé en 2006 afin d’évaluer la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il est présenté sous la forme d’étiquettes énergie avec une classification allant de A à G. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique européenne.[12] La France compte ainsi 5,2 millions (15.7%) de « passoires énergétiques » (étiquettes F et G), comme indiqué dans le Graphique 3.
La qualification RGE (Reconnu garant de l’environnement). La condition pour accéder aux aides proposées par les acteurs publics, comme le dispositif MaPrimeRénov’, est de faire appel, pour ses travaux de rénovation énergétique, à un professionnel disposant de la qualification RGE.
Les dispositifs d’aide et de financement
L’Etat compte mobiliser 7 milliards d’euros d’ici 2030 pour accompagner la transition énergétique de la France. Initialement fixé à 2 milliards d’euros, ce budget a été revu à la hausse par le gouvernement en juillet 2023. L’objectif est de tenir les objectifs affichés pour 2030 en doublant le rythme de réduction des GES.
Ouvert depuis le 1 janvier 2020, MaPrimeRénov’ est aujourd’hui le principal dispositif porté par l’Etat concernant la rénovation énergétique. Il s’adresse à tous les propriétaires occupants de résidences principales et contribue au financement de travaux portant sur le chauffage et l’eau chaude, l’isolation thermique et la ventilation.[13] MaPrimeRénov’ tient compte des revenus et de la composition des ménages. 68 % des personnes concernées par ce dispositif sont des personnes modestes ou très modestes, 30 % perçoivent des revenus intermédiaires et 2 % des revenus supérieurs.[14] Par ailleurs, l’aide MaPrimeRénov’ peut se cumuler avec d’autres aides délivrées par les collectivités locales, Action logement, ou encore avec les aides versées dans le cadre des Certificats d’économies d’énergie (CEE). En 2024, le budget alloué à MaPrimeRénov’ devrait augmenter de 600 millions d'euros pour atteindre 4 milliards d’euros — soit une hausse de 18 % — contre une enveloppe initiale de 5 milliards d’euros revue à la baisse pour réaliser des économies budgétaires.
En outre, il existe MaPrimeRénov’ copropriétés pour les syndicats de copropriétés. Elle vise à financer des travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre au moins 35 % de gain énergétique.[15] Depuis le 1er janvier 2024, le dispositif MaPrimeAdapt’, quant à lui, est destiné aux personnes âgées et celles en situation de handicap réalisant des travaux d’adaptation du logement.[16]
En 2023, le gouvernement a renforcé le budget prévu dans le cadre de ces dispositifs en rehaussant les plafonds de travaux, quel que soit le dispositif d’aide (MaPrimeRévov’ copropriétés, MaPrimeRénov’ Sérénité,[17] forfaits de rénovation globale). Par ailleurs, des mesures additionnelles, visant à structurer le dispositif autour de deux piliers (performance et efficacité), ont été annoncées dans le cadre du Conseil national de la refondation Logement. Concrètement, il s’agit d’orienter davantage les aides vers les travaux de rénovation globale plutôt que vers les rénovations partielles.
D’autres dispositifs de financement existent, parmi lesquels l’éco-prêt à taux zéro, l’éco-prêt logement social, les CEE, ou encore le chèque énergie lancé en 2018 (5,7 millions de bénéficiaires en 2021[18]).
Les différentes politiques menées au niveau national ont entraîné des effets favorables sur la rénovation énergétique.
En tout, 644 000 demandes d’aide ont été accordées par l’Anah en 2021, contre 141 000 en 2020, un saut qui s’explique par le lancement en 2020 du dispositif MaPrimRénov’. Depuis 2020, ce sont 2 149 833 logements qui ont fait l’objet d’une rénovation, dont 247 680 rénovations globales, pour un montant total d’aides de 9,8 milliards d’euros.[19]
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DES DEFIS ENCORE NOMBREUX A RELEVER
Aujourd’hui, le marché français de la rénovation énergétique des bâtiments ne semble pas en capacité de respecter les objectifs intermédiaires, et encore moins de réaliser l’ambition de neutralité carbone à l’horizon 2050, tant sur un plan quantitatif (nombre de rénovations réalisées) que qualitatif (nature des travaux réalisés).
Sur le plan quantitatif, le taux annuel de rénovation en France est estimé à 1%,[20] ce qui est inférieur au taux de 3 % nécessaire pour atteindre les objectifs fixés au niveau européen à l’horizon 2030. Le nombre de rénovations énergétiques doit être considérablement augmenté.
Sur le plan qualitatif, la nature des prestations de rénovation énergétique effectuées doit être particulièrement scrutée. S’il est vrai que le dispositif MaPrimeRénov’ a permis d’accroître la demande de travaux d’économie d’énergie, cette demande supplémentaire est essentiellement orientée vers les rénovations partielles. Comme le souligne le Conseil d’analyse économique,[21] l’essentiel des 644 000 demandes ayant bénéficié du dispositif MaPrimeRénov’ en 2021 a porté sur les rénovations monogestes ou partielles. Idem en 2022. En 2023, si le nombre de logements aidés par l'ANAH pour les travaux de rénovation énergétique a baissé (569 243 contre 669 890 en 2022), le nombre de rénovations d’ampleur a progressé quant à lui de plus de 8% (71 613 contre 65 939 en 2022).[22]
L’Ademe, quant à elle, rappelle qu’en 2022, seules 4 000 à 6 000 maisons individuelles (hors parc social) ont fait l’objet d’une rénovation globale performante ou équivalente et probablement 35 000 logements collectifs.[23]
Pour atteindre les objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés aux horizons 2030 et 2050, plusieurs défis doivent être relevés :
- La diversité des technologies utilisées dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments, souvent considérée comme un facteur de complexité.
- L’accompagnement des maîtres d’ouvrage (en prenant exemple sur les initiatives récentes comme MonAccompagnateurRénov’), qui doit faire l’objet d’un suivi resserré.
- Le manque de main-d’œuvre en nombre et en qualité, qui limite les progrès en matière de techniques de rénovation autant que la capacité à satisfaire la demande.
- L’organisation cloisonnée de l’industrie de la construction et les chaînes de valeurs fragmentées, qui ne permettent pas toujours de proposer une offre de rénovation globale et performante.
- Le financement des travaux de rénovation énergétique, difficile dans un contexte d’inflation et de taux d'intérêts élevés.
DIVERSITÉ TECHNOLOGIQUE DANS LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
Accélérer la rénovation énergétique implique de comprendre les différentes solutions technologiques. Or, l’étendue des solutions mobilisées dans le cadre des travaux est source de complexité tant pour les acteurs du secteur (connaissance, maîtrise, coordination) que pour les particuliers.
Aujourd’hui, les 5 segments du marché de la rénovation énergétique se structurent en deux pôles : les technologies ayant recours à une énergie plus verte, et celles permettant une moindre consommation d’énergie.
-
Les technologies permettant de réduire la déperdition d’énergie (murs, toits, sols, huisserie, ventilation)
Aujourd’hui, on estime que dans une maison mal isolée, 30% de la déperdition énergétique provient des murs, 25% du toit, 15% des fissures, 10 % du plancher et 5 % des portes. Plusieurs technologies permettent de réduire la déperdition d’énergie :
- Les technologies d’isolation des murs, du toit et du plancher. Elles font appel à différents matériaux (polystyrène extrudé, polystyrène expansé, polyuréthane, laine minérale) ou procédés (isolation naturelle à l’aide de fibres de bois ou de chanvre). La laine minérale est aujourd’hui largement utilisée.
- Les technologies relatives à l’huisserie (les encadrements de portes ou de fenêtres). Elles sont davantage matures. Les principaux matériaux utilisés sont le bois, l’aluminium ou encore le polychlorure de vinyle non plastifié. Ces deux derniers matériaux constituent aujourd’hui la majorité des solutions retenues en cas de travaux de rénovation.
- Les technologies de ventilation. Elles regroupent la ventilation naturelle, les ventilations mécaniques contrôlées (VMC) simple flux ou double flux, la ventilation mécanique répartie (VMR) ou encore la ventilation par insufflation (VI).[24]
Pour atteindre une efficacité optimale, ces technologies doivent être accompagnées de travaux d’isolation (limitation des infiltrations et des fuites d’air).
- Les technologies ayant recours à une énergie plus verte (chauffage, gestion de l’énergie)
- Les systèmes de chauffage. Remplacer les chaudières fossiles (fioul ou gaz) par des solutions utilisant la biomasse, le solaire, la géothermie ou encore les énergies de récupération via les pompes à chaleur.
- Les technologies de gestion d’énergie. Elles incluent les batteries autant que les logiciels et plateformes de gestion en temps réel de la consommation. L’intégration de batteries domestiques (souvent connectées à des panneaux solaires) permet de stocker et d’utiliser l’énergie de la manière la plus efficace possible.
L’ACCOMPAGNEMENT DES MAITRES D’OUVRAGE
En 2023, le gouvernement a mis en place le dispositif MonAccompagnateurRénov’. Il s’agit d’un dispositif d’accompagnement destiné à tout ceux qui envisagent de faire des travaux de rénovation énergétique performante ou globale. Dans les faits, il s’agit d’un assistant à la maîtrise d’ouvrage ou d’un opérateur agréé par l’Etat ou désigné par une collectivité locale. Il a pour rôle d’épauler les particuliers dans la définition de leurs travaux, la sélection des entreprises, leurs démarches administratives et la mobilisation des financements.[25] Ce dispositif va dans le bon sens, mais l’enjeu principal aujourd’hui, pour atteindre l’objectif de 500 000 à 700 000 logements rénovés par an, est d’augmenter les effectifs des accompagnateurs pour être en adéquation avec les besoins.
En juin 2023, le gouvernement a ainsi affirmé vouloir augmenter le budget dédié à ce dispositif, avec une revalorisation de l’aide accordée dans le cadre du recours à ce dispositif de 1 200 € à 2 000 €, lors de la préparation du dossier de financement. Ansi, le financement accordé par l'ANAH pour cette prestation peut aujourd'hui atteindre 100% du coût de la prestation ou 2 000€ pour les ménages modestes.
LE MANQUE DE MAIN-D’ŒUVRE EN NOMBRE ET EN QUALITE
Une main-d’œuvre qualifiée est nécessaire sur l’ensemble du parcours de rénovation, de l’installation des technologies d’isolation, de chauffage, de ventilation, au suivi de la gestion énergétique jusqu’à l’entretien des installations. Une pénurie de travailleurs qualifiés entraîne des retards et des coûts supplémentaires dans la conduite des travaux. Selon France Stratégie, un organisme de réflexion placé sous la tutelle du Premier ministre et qui participe à l’évaluation des politiques publiques, la rénovation énergétique des bâtiments pourrait nécessiter la création de 170 000 à 250 000 emplois supplémentaires d’ici à 2030.
Le manque de main-d’œuvre qualifiée se situe à deux niveaux : dans le vivier d’artisans, salariés potentiels pour toute la filière, ainsi qu’au moment de l’agrément lorsqu’il s’agit de bénéficier des labels comme le label RGE.
En effet, le nombre d’entreprises ayant la mention RGE a diminué entre 2022 et 2023 passant de 65 095 à 61 494 selon l’Ademe, marquant une deuxième année consécutive de baisse. Cette baisse, qui pose problème compte tenu de l’importance du label pour accéder aux aides de l’Etat, serait la conséquence de la complexité administrative du dispositif.
Le nombre d’entreprises RGE est à mettre en rapport avec le nombre d’entreprises artisanales du bâtiment, évalué par le Président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) à 560 000.[26] Ainsi, seules 11,25 % des entreprises du bâtiment portent la mention RGE. Par ailleurs, avec un peu plus de 60 000 entreprises portant la mention RGE aujourd’hui, on est loin des ambitions affichées par le Ministre de l’économie de « 250 000 entreprises RGE en 2028 ».[27] Il s’agirait de simplifier les démarches permettant aux entreprises d’accéder à cette certification au risque d’en conduire certaines à quitter le marché de la rénovation.
ORGANISATION EN SILOS DE L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION, CHAÎNES DE VALEUR FRAGMENTÉES
L’industrie de la construction est souvent caractérisée par des organisations cloisonnées et des chaînes d’approvisionnement fragmentées, ce qui peut entraîner des problèmes de coordination et ralentir l’adoption de solutions intégrées d’économies d’énergie. Les travaux de rénovation énergétique impliquent souvent de multiples intervenants : des entrepreneurs, des architectes, des bureaux d’études, des fournisseurs, des propriétaires d’immeubles, etc. Le manque de communication et de coordination entre ces parties limite leur capacité à atteindre la qualité visée (BBC rénovation ou équivalente, par exemple).
En outre, 98 % des entreprises du bâtiment sont des entreprises de moins de 20 salariés. Si cette petite taille garantit un certain maillage territorial, ce qui est positif, elle obère en revanche la capacité de ces entreprises à se projeter dans la réalisation de travaux de rénovation globale et performante. La taille des entreprises limite la nature des prestations qu’elles proposent, qui sont dès lors essentiellement de type rénovations par gestes.[28]
LE FINANCEMENT DES TRAVAUX DE RENOVATION ENERGETIQUE
Les questions de financement constituent un obstacle à l’adoption généralisée de technologies d’économie d’énergie dans le cadre des rénovations de bâtiments. Les taux d’intérêt élevés sur les prêts, les subventions insuffisantes et les prix élevés des matériaux de construction peuvent augmenter les budgets de rénovation, ce qui contraint les possibilités d’investissement dans des solutions avancées en matière de rénovation énergétique. Le coût des travaux de rénovation globale ou performante est estimé entre 25 000 € et 60 000 € par logement. Considérant que 5 millions de logements doivent faire l’objet de ce type de travaux, la « facture globale » se situe alors entre 125 et 300 milliards d’euros,[29] montant à rapporter aux crédits annuels actuellement alloués.
Du côté de la construction, l’augmentation exponentielle des coûts de l’énergie a entraîné une hausse des coûts des matériaux, rendant la rénovation des bâtiments beaucoup plus onéreuse qu’avant la crise, et érodant les marges des acteurs du secteur.
Soulignons ici que le secteur bancaire ou des assurances ou celui de la fourniture d’énergie peut jouer un rôle essentiel dans le financement des travaux de rénovation énergétique. Le financement des travaux de rénovation énergétique pourrait être en effet exploité en tant que produit d’appel. Au regard de la problématique spécifique du financement des copropriétés, le gouvernement envisage de modifier le taux plafond auquel les banques peuvent prêter aux copropriétés, notamment grâce à l’application dérogatoire du taux d’usure retenu lorsqu’un particulier contracte un crédit à la consommation (+ de 6 %).
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SAISIR LES OPPORTUNITES DE MARCHE
La rénovation énergétique constitue un relai de croissance pour les acteurs du secteur du bâtiment. Pour y parvenir, il est nécessaire que le secteur bénéficie d’un soutien exogène notamment en ce qui concerne les mécanismes de financement des travaux et d’accompagnement des futurs bénéficiaires. Mais par-dessus tout, les acteurs du secteur ont besoin de mettre en place un plan holistique et d’actionner plusieurs leviers dans une logique concertée. Le recrutement d’une main-d’œuvre nombreuse et formée, le déploiement d’une logique d’écosystème et le recours à des technologies innovantes constituent autant de pistes permettant de saisir les opportunités de marché.
ADAPTER LES OFFRES POUR DAVANTAGE DE REPLICABILITE ET DE LOGIQUE DE SYSTEMES INTEGRES
- L’objectif est de passer d’une approche projet à une approche produit via la mise en place de solutions de rénovation réplicables, et d’investir pour développer des solutions de préfabrication en usine de plus en plus performantes. La normalisation et la modularisation des technologies et des solutions offertes peuvent faciliter l’intégration et l’interopérabilité. Cela peut impliquer le développement d’interfaces, de protocoles et de composants standardisés facilement intégrables dans différents types de bâtiments et configurations.
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Développer des offres de produits et de services intégrés afin de fournir des solutions complètes couvrant de multiples aspects des rénovations de bâtiments. Il peut s’agir de regrouper différentes technologies et solutions en une seule offre qui traite de la performance énergétique globale d’un bâtiment, plutôt que de vendre des composants individuels séparément. Par exemple, le fait de proposer des forfaits comprenant des mises à niveau de fenêtres, des installations de thermopompe et des améliorations d’isolation comme solution de rénovation complète peut encourager les clients à adopter une approche intégrée.
RENFORCER L’ACCOMPAGNEMENT DANS LE CADRE DE TRAVAUX DE RÉNOVATION
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Renforcer l’enveloppe consacrée au dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ afin d’assurer un recrutement important de personnel qualifié, et faciliter les conditions d’agrément des sociétés amenés à accompagner les particuliers sur les projets de rénovation globale ou performante.
REPONDRE AUX ENJEUX DE MAIN-D’ŒUVRE
- Renforcer l’attractivité des métiers liés à la rénovation des bâtiments et à la réhabilitation globale auprès des jeunes femmes et hommes en mettant l’accent sur les certifications professionnelles, en finançant davantage la formation initiale et en intensifiant le dialogue social au niveau des branches professionnelles pour améliorer les rémunérations et les conditions de travail.[30]
- Simplifier le dispositif RGE afin de disposer d’un nombre d’entreprises et d’artisans suffisant pour faire face à la demande de travaux de rénovation énergétique.
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Généraliser le RGE chantier par chantier, expérimenté jusqu’à la fin de l’année 2023 dans le cadre du Plan France relance, et qui permet à une entreprise ou artisan ayant au moins deux ans d’activité, mais qui ne détient pas la mention RGE, d’effectuer des travaux de rénovation énergétique moyennant des contrôles sur site des travaux.
POUSSER LES LOGIQUES D’ECOSYSTEME
- Renforcer la collaboration entre les différentes fonctions à l’échelle de l’entreprise afin de faciliter la coordination et l’intégration des différentes technologies et solutions. Une communication régulière, une planification conjointe et des objectifs communs peuvent aider à aborder les rénovations de manière holistique plutôt que fragmentée.
-
Favoriser la structuration de la filière professionnelle pour la rénovation performante des maisons et petits bâtiments collectifs en développant la coopération entre les entreprises, la mise en place de groupements d’entreprises et en améliorant la mise en réseau. La création de partenariats à long terme avec d’autres entreprises ou organisations offrant des technologies et des solutions complémentaires peut permettre une approche plus intégrée de la rénovation des bâtiments. Par exemple, en formant des alliances stratégiques ou des collaborations avec d’autres entreprises spécialisées (e.g fenêtres, les pompes à chaleur, gestion de l’énergie) pour offrir collectivement des solutions de rénovation complètes. Ces partenariats peuvent fournir une proposition de valeur unifiée aux clients, et promouvoir une approche coordonnée des rénovations pour réaliser une prestation globale.
PROPOSER DES MODALITES DE FINANCEMENT INNOVANTES
- Simplifier et stabiliser les dispositifs d’aides sur la rénovation énergétique des bâtiments afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques (entreprises et particuliers)[31] à l’aide d’une loi de programmation pluriannuelle, et flécher ces dispositifs vers les travaux de rénovation énergétique globale ou performante.[32]
- Inciter les institutions financières ou les sociétés de fournitures d’énergie à développer des offres de financement du reste à charge dans le cadre des travaux de rénovation avec des dispositifs comme le « prêt Avance rénovation » qui permet d’emprunter pour réaliser les travaux et de ne rembourser le capital et les intérêts qu’au moment de la mutation du logement, en supprimant les plafonds prévus, par exemple.[33]
Conclusion
LE MARCHÉ DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE OFFRE DES OPPORTUNITÉS QU’IL FAUT SAISIR DÈS MAINTENANT !
Avec plus de 35 millions de bâtiments à rénover d’ici 2030, le marché européen de la rénovation est déjà important et devrait continuer à s’étendre après 2030 en raison de la vague de rénovation européenne. L’ambition européenne se décline également au niveau national, avec des objectifs précis de limitation du nombre de passoires thermiques. S’il est vrai que les acteurs publics ont œuvré, tant sur le plan réglementaire qu’à travers les dispositifs d’aides, des défis importants restent encore à relever : le déficit de main-d’œuvre, le manque de structuration industrielle, la faiblesse du financement et la fragilité de l’accompagnement.
Les gisements de croissance existent tant du côté de l’offre que de la demande.
Du côté de l’offre, l’urgence est d’accroître la capacité à répondre à la demande (plus de main-d’œuvre, mieux formée et mieux rémunérée) en proposant des produits et des services s’intégrant dans une approche globale ou performante de la rénovation.
Du côté de la demande, l’urgence réside dans le renforcement des dispositifs de financement qui doivent intégrer davantage les acteurs bancaires, de l'assurance et de la fourniture d'énergie en ciblant notamment les ménages modestes. Le niveau d’accompagnement des particuliers doit être maintenu tout au long du parcours de rénovation. Ceci suppose des évaluations régulières du dispositif « Mon Accompagnateur Rénov’ ». Enfin, le développement du marché de la rénovation énergétique sera facilité par une plus forte stabilité du cadre réglementaire et financier.
Notes
[1] 16,8 millions de maisons individuelles et 9,45 millions de logements collectifs.
[2] « Questions & réponses sur la vague de rénovations » Commission européenne, 14 octobre 2020.
[3] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique, 2 février 2023.
[4] Ce label a été introduit par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.
[5] Code de l’énergie, Article L100-4 paragraphe 7.
[6] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[7] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique, 2 février 2023.
[8] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[9] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[10] La Loi Climat et résilience. Ministère de la transition écologique, 24 août 2021.
[11] « Diagnostic de performance énergétique — DPE » Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 6 décembre 2023.
[12] « Diagnostic de performance énergétique — DPE » Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 6 décembre 2023.
[13] « Comment financer ses travaux de rénovation énergétique » JDD Communication.
[14] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation » Conseil économique, social et environnemental.
[15] « MaPrimeRénov’ Copropriété » France Rénov'.
[16] « MaPrimeAdapt » France Rénov'.
[17] Service-public.fr: « Depuis le 1er janvier 2024, l’aide MaPrimeRénov’ Sérénité est remplacée par MaPrimeRénov’ Parcours accompagné »
[18] « La rénovation énergétique » Ministère de la transition écologique.
[19] ANAH, 2023.
[20] « Comment financer ses travaux de rénovation énergétique ? » JDD Communication.
[21] « Les Français et les politiques climatiques » CAE, 2022.
[22] ANAH, 2023.
[23] Financer la Rénovation énergétique performante des logements, Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[24] « Rénovation — Bien ventiler son logement » ADEME, mai 2022.
[25] « Qu’est-ce que Mon Accompagnateur Rénov’ ? » République Française, 30 août 2022.
[26] « Rénovation thermique : le casse-tête de la qualification des artisans » Les Echos, 4 février 2023.
[27] « Rénovation thermique : le casse-tête de la qualification des artisans » Les Echos, 4 février 2023.
[28] Propositions d’orientation des politiques publiques (2022–2027) pour un parc « BBC rénovation » ou équivalent en 2050.
[29] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation » Conseil économique, social et environnemental.
[30] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 8 » Conseil économique, social et environnemental.
[31] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 2 » Conseil économique, social et environnemental.
[32] « Pour des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, Préconisation 12 » Conseil économique, social et environnemental.
[33] Proposition avancé notamment par David Amiel, Député Renaissance, Les Echos : « Rénovation thermique : la majorité veut pousser les banques à financer l’effort ».
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